Chronique de Jean-Marc Jancovici sur Linkedin
Les forêts couvrent un quart des terres émergées du globale, pour environ 4 milliards d'hectares. Elles absorbent à peu près un quart du CO2 que nous envoyons chaque année dans l'atmosphère (les mauvaises années c'est beaucoup moins), contribuant ainsi à modérer le réchauffement climatique engendré par nos activités.
D'où l'idée, souvent mise en avant, que planter des arbres est une bonne initiative, puisque cela augmente le puits de carbone de la végétation : ce faisant, plus de CO2 passe de l'air dans le stock de biomasse sur et sous terre (car il ne faut pas oublier les racines ainsi que la vie du sol qui peut apparaître à la suite, comme les champignons par exemple).
Avant d'aller plus loin, il n'y a pas que la plantation d'arbres qui permet d'augmenter le carbone stocké sur terre. Dans les autres pratiques qui permettent la même chose il y a notamment :
- le couvert végétal permanent sur les surfaces cultivées (l'agroforesterie et les haies relèvent un peu de la plantation d'arbres pour le coup !)
- la conversion de cultures en prairies (ce qui augmente le carbone du sol)
Si les arbres permettent de soustraire du CO2 à l'air, le processus sera d'autant plus efficace que la croissance est rapide. D'où l'idée, déployée par plusieurs entreprises déjà (aux USA et au Brésil notamment), de planter des arbres génétiquement modifiés pour répondre à cet objectif, comme l'explique (sans prendre parti) cet article des Echos : https://t.ly/TLtzN
Bien que les arbres soient des êtres vivants, il y a là un conflit d'objectifs entre la biodiversité et le climat. En effet, les espèces sélectionnées seront plantées en monoculture (ce qui est déjà le cas pour des plantations d'eucalyptus ou de peupliers), conduisant à ce que des indigènes brésiliens appellent des "déserts verts".
La nature pourrait-elle faire aussi bien ? Sur la vitesse de croissance peut-être pas, mais, après quelques centaines de millions d'années de darwinisme, nos arbres sont souvent le résultat d'un compromis, entre capacité à croître et résistance à tout un tas d'agressions (variations du climat, insectes, virus et champignons, prédateurs divers...) qui garantissent leur pérennité.
Le risque, bien documenté par les biologistes, quand on a des espaces recouverts d'une seule espèce (au surplus nouvelles et donc sans recul), est que la résistance est bien moins élevée. La propagation des maladies y est plus facile, et les phénomènes symbiotiques (par lesquels les espèces s'aident les unes les autres) moins développés.
Dans notre pays, c'est plutôt l'option de la diversification qui est prônée par les partisans d'un "renouveau forestier" : la multiplication des espèces aide à une croissance maximale de la biomasse et à une diversification du risque. Mais cela complique ensuite la récolte, raison pour laquelle l'optimum économique n'était pas l'optimum biologique ou agronomique.
Planter des arbres est une bonne idée. Mais toutes les manières de faire ne se valent pas !
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